Au début des années 1980, les idéologies globales de contestation et de changement du monde ont du plomb dans l’aile, au Québec comme ailleurs. La crise économique entraîne dans son sillage d’autres crises : celle de l’État providence, du militantisme, de la jeunesse, de la cause nationale, du marxisme… et ce qu’on a appelé un certain silence des intellectuels.
Personnage clé du mouvement révolutionnaire québécois, du FLQ au marxisme-léninisme des années 1970, Charles Gagnon refuse de se taire malgré la mise en veilleuse des utopies qu’il a contribué à forger. Critique attentif, il continue à décrire, de sa plume alerte, les évolutions de notre société, des référendums aux partis politiques de gauche, de « McGill français » à l’anniversaire d’Octobre 1970… Mais surtout, c’est le fondement même de nos sociétés qu’il interroge : l’humanisme issu des Lumières, dont la défense est au cœur des mouvements de contestation des années 1960-1970.
« Comment fait-on un livre d’une expérience chrétienne d’enfant, d’étudiant des humanités, de militant terroriste puis marxiste-léniniste ? Il n’est interdit à personne de réfléchir, pas même à un terroriste ni à un maoïste… quoi qu’en pensent les bien-pensants de ma génération. […] Derrière la politique aussi bien que l’étude, il y a des préoccupations. Réduites dans certains cas à une ou deux questions. Ce sont ces questions que j’ai traînées toute ma vie […]. »
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Charles Gagnon (1939-2005) a participé à Cité libre puis à la fondation, en compagnie de Pierre Vallières, de la revue Révolution québécoise. Les deux hommes deviennent par la suite les principaux animateurs du Front de libération du Québec (FLQ). Libéré en 1971 après plus de quarante mois d’emprisonnement, Charles Gagnon lance l’Équipe du Journal, puis l’organisation marxiste-léniniste EN LUTTE ! dont il devient le secrétaire général. Après la dissolution du mouvement en 1982, il s’intéresse à la crise de l’humanisme et participe à diverses publications.