La Mohawk Warrior Society publie ces jours-ci son manuel de souveraineté autochtone. L’organisation militante controversée, jugée radicale par plusieurs, mais qui se perçoit plutôt comme résistante, et dont les membres sont surnommés les « Warriors », s’est notamment fait connaître au grand jour durant la crise d’Oka, en 1990.
Dès le premier coup d’oeil, le lecteur averti reconnaîtra l’image qui s’étend sur toute la page couverture, le fameux drapeau iroquois, rouge et or avec au milieu le visage d’un Autochtone avec une plume d’aigle plantée sur la tête, brandi plusieurs fois durant le conflit à Kanesatake. Le livre s’articule d’ailleurs autour de Louis Karoniaktajeh Hall (1918-1993), militant traditionaliste, écrivain et artiste, qui a imaginé la bannière en question, surnommée le « drapeau de l’unité », et devenue aujourd’hui un symbole incontournable des combats autochtones en Amérique du Nord.
En plus d’une sélection d’oeuvres d’art signées par Karoniaktajeh Hall, figure complexe et emblématique de la Warrior Society, le livre inclut pour la première fois en français plusieurs de ses écrits jugés fondamentaux par le mouvement, comme Reconstruire la confédération iroquoise (1980) et le Manuel du guerrier (1979). Ce dernier est un captivant pamphlet historique bourré d’enseignements et de réflexions sur la condition de vie des Premiers Peuples au Canada.
Mais loin de la proposition polémiste remuant les douleurs du passé, le recueil — fascinant et fourni en détails — se déploie davantage comme une anthologie ayant pour objectif le partage d’une tradition orale souvent inédite ou rarement mise à la disposition des lecteurs. Par le biais d’une riche documentation, elle raconte ici les origines de la Warrior Society et son influence sur les luttes politiques.
Ainsi, le livre s’ouvre sur les témoignages de quatre de ses membres fondateurs : Tekarontakeh, Kakwirakeron, Kanasaraken et Ateronhiatakon. Ces activistes et gardiens du savoir traditionnel ont été parmi les premiers à véritablement organiser des initiatives médiatisées (rassemblements, blocage des routes et des ponts) afin d’affirmer une autorité autochtone sur les terres traditionnelles de la nation mohawk aussi bien aux États-Unis, dans l’État de New York, qu’au Québec.
Rappelons que le mouvement voit le jour dans les années 1960, époque des « grands réveils citoyens » qui ont vu naître divers groupes d’émancipation sur le continent nord-américain, l’American Indian Movement (AIM) et les Black Panthers en tête.
L’un des grands intérêts de l’ouvrage est qu’il donne la parole à la résistance mohawk sur près de cinq siècles. L’essai est un patchwork de styles et de genres littéraires mêlant entretiens, manifestes, contes, réflexions philosophiques et récits historiques. Une chronologie de l’histoire mohawk, un chapitre sur la toponymie et un glossaire sur divers concepts en langue autochtone complètent le volume.
La Mohawk Warrior Society
★★★
Oeuvres choisies de Louis Karoniaktajeh Hall, Éditions de la rue Dorion, Montréal, 2022, 464 pages. https://www.ledevoir.com/lire/766023/essai-la-mohawk-warrior-society-manuel-de-souverainete-autochtone-resistance-mohawk
Philippe Blouin interrogé pas Melissa Mollen Dupuis à l'émission Kuei! Kwe!
En rattrapage sur le site de Radio-Canada
https://ici.radio-canada.ca/util/postier/suggerer-go.asp?nID=4923468
Derrière le drapeau des Warriors
Accéder à la publication originale sur le site d'Espaces autochtones (Radio-Canada) : https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1909199/mohawk-kahnawake-cache-derriere-drapeau-warriors
--
Dans plusieurs rassemblements autochtones est brandi le fameux drapeau de la Mohawk Warrior Society, dont les membres sont appelés « warriors ». C'est un drapeau qui a marqué le Québec, en particulier en 1990 lors de la crise d'Oka. Pour expliquer le sens de ce drapeau, le rôle de la Mohawk Warrior Society et la vision de ses membres, un livre sera disponible à compter du 27 septembre en anglais et en français.
Ils étaient censés être trois lorsqu'Espaces autochtones se sont rendus à Kahnawake pour en parler. Finalement, ils étaient sept membres de la Mohawk Warrior Society, tous réunis autour de deux grandes figures de la résistance mohawk dont les récits figurent dans l'ouvrage : Tekarontakeh et Kahentinetha.
Le premier est un gardien de savoirs ancestraux et la deuxième est une militante de longue date, aujourd’hui responsable du site web Mohawk Nation News.
C’est à eux qu’il faut parler pour comprendre ce que contient La Mohawk Warrior Society. Manuel de souveraineté autochtone, un livre qui sera disponible dans les librairies québécoises le 27 septembre.
Des Mohawks de Kanesatake ont marché à l'été 2015 pour souligner les 25 ans de la crise d'Oka, un épisode qui a marqué les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones au Québec et au Canada.PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / RYAN REMIORZ
Ce document réunit une importante documentation sur la société guerrière kanien’kehá:ka, dont tout le monde connaît le drapeau réalisé par Louis Karoniaktajeh Hall, cette œuvre qui représente un Autochtone, englobé par un soleil sur fond rouge, plume d’aigle dressée sur la tête.
Philippe Blouin, anthropologue et coordonnateur du projet, affirme que jusqu’à maintenant, beaucoup de ce qui a été écrit sur la Mohawk Warrior Society est de la propagande, comme quoi tous ses membres sont des terroristes.
Ce symbole du wampum de Hiawatha qui représente la confédération iroquoise agace Tekarontakeh, qui estime que nous sommes tous des êtres humains et que ce genre de regroupement devrait compter touts les humains.PHOTO : RADIO-CANADA / DELPHINE JUNG
Les Mohawks réunis dans une petite maison le long de la route 138 disent plutôt qu'ils sont des porteurs de la Terre.
Concrètement, cela signifie que les hommes, donc les porteurs de la Terre, doivent mettre en œuvre les décisions des femmes pour parvenir à une paix globale.
Cet ouvrage de 400 pages rassemble ainsi des témoignages et des écrits qui racontent l’histoire orale des Mohawks et leur façon de penser le monde. Il permet aussi de comprendre cinq siècles de résistance mohawk. Ce travail de longue haleine a pris environ six ans pour les porteurs du projet.
Une carte de l'île de Montréal avec une toponymie mohawk datant de 1880.PHOTO : VILLE DE MONTRÉAL
Bien plus que des mots
Le premier défi qu'ont dû relever les auteurs a été la traduction d’un récit oral en un texte en français. Dans beaucoup de langues autochtones, un mot correspond souvent à une image, un concept, qu’il est difficile de réduire à un seul mot.
Quand quelqu’un parle, tu vois ce dont il parle, tu ne fais pas que l’entendre. C’est une langue très descriptive dans laquelle il n’y a pas de place pour la mauvaise compréhension. C’est pourquoi c’est si important pour nous de raconter notre histoire, explique Tekarontakeh, bandana bien serré autour de son front.
Tekarontakeh croit que les gens doivent désormais s'intéresser à ce que les Mohawks « ont dans la tête ».PHOTO : RADIO-CANADA / DELPHINE JUNG
La traduction, selon lui, détruit le sens des mots. Conséquence : Les gens interprètent notre histoire et essayent de faire des parallèles entre leur culture [celle des non-Autochtones, NDLR] et la nôtre. Mais notre vision du monde est totalement différente, explique-t-il.
Kahentinetha ajoute qu’il a fallu la collaboration d'un groupe de six à dix personnes pour que les Mohawks se mettent d’accord sur la traduction de tel ou tel mot, ce qui dépendait, selon elle, du ton sur lequel était dit le mot, de la façon dont on le voyait.
Kahentinetha est une aînée qui a participé à de nombreux combats des Mohawks.PHOTO : RADIO-CANADA / DELPHINE JUNG
L’exemple le plus frappant des problèmes que peuvent causer les traductions s’illustre avec un mot : kaianere’kó:wa.
Souvent traduit par ''la grande loi de la paix'', ce mot a été considéré comme la définition d’une constitution dont se seraient dotés les Iroquois, expliquent les deux Mohawks.
Pour Kahentinetha et Tekarontakeh, il s’agit plutôt d’un état d’être, d’une relation avec la nature qui ne peut pas être enfermée dans une quelconque codification juridique.
Il en est de même pour le terme anglais warrior, qui a une connotation bien différente de celle du mot employé en kanien'kéha (langue mohawk), qui est rotisken’rakéhte et qui veut dire porteur de la Terre.
L’idée de ce recueil consiste donc à expliquer aux lecteurs qu’il y a une formule pour retrouver la paix.
Cependant, qu’on ne parle pas de réconciliation aux Mohawks.
Les Mohawks ont souvent soutenu les Autochtones de tout le Canada dans leurs combats.PHOTO : CBC/DAN TAEKEMA
Ce n’est pas nous qui avons demandé une réconciliation, car nous n’avons jamais rien fait de mal. Nous n’avons jamais été les agresseurs, on a toujours partagé, explique Tekarontakeh en précisant que les gens le comprendront en lisant le livre.
Comptent-ils sur les jeunes? Ils vont dans la bonne direction, répondent-ils.
On leur a mis dans la tête que pour revenir à leur culture, ils devaient porter des mocassins et aller vivre sous une tente dans le bois, mais ce n’est pas comme ça que cela devrait se faire. On parle plutôt de développer une économie pour notre communauté qui ne fera pas de mal à l’environnement, par exemple, et je crois que les jeunes trouveront une solution, précise Tekarontakeh.
Les Mohawks veulent avant tout que ce livre permette aux lecteurs de s’ouvrir à une autre manière de voir le monde et, surtout, qu'il leur permette de comprendre que les Mohawks ne détestent pas les gens mais plutôt ce qui a été fait aux Autochtones au cours de quelques centaines d’années.
Belles feuilles publiées par La Revue ouvrage
Lire la publication originale : https://www.revue-ouvrage.org/mohawk-warrior-society/
La Mohawk Warrior Society: Manuel de souveraineté autochtone (extrait) Par TEKARONTAKEH Paul Delaronde Publié le 10 octobre 2022
Ce fragment de l’entretien avec Tekarontakeh Paul Delaronde est tiré du livre La Mohawk Warrior Society. Manuel de souveraineté autochtone. Tekarontakeh est un Kanien’kehá:ka du clan du Loup. Cet érudit et gardien de savoirs ancestraux a joué un rôle de premier plan dans la ranimation du feu des Rotihsken’rakéhte’1 (guerriers mohawks) au début des années 1970. À la demande de la revue Ouvrage, l’équipe éditoriale a choisi cet extrait pour son ton railleur bien représentatif de l’esprit qui anime le livre. Tekarontakeh, en plus de raconter un pan de l’émergence de la société guerrière – l’origine de son écusson – dont la symbolique apparaît extrêmement importante, montre la richesse d’une histoire transmise oralement depuis des siècles chez les Kanien’kehá:ka, une histoire complètement ignorée par la société coloniale.
Faire revivre les Rotihsken’rakéhte’
Dans le passé, si quelqu’un avait besoin de construire une maison, une grange ou n’importe quoi, une troupe de chanteurs annonçait un peu partout qu’on avait besoin d’aide pour construire une ferme, une maison ou pour une corvée de foins. Cette troupe accompagnait le travail avec ses chansons, on s’y rendait pour les écouter. Les gens apportaient du bois, des clous, des outils, des fenêtres et des portes, et aidaient à construire la maison. Ils préparaient ensuite un grand repas, les chants retentissaient et tout le monde dansait et s’amusait. Les troupes de chant étaient bien connues pour ça. Parfois, il y avait différentes troupes dans un même événement. Un groupe apportait ses chansons, un autre apportait les siennes, et ils se les partageaient. Les petits enfants apprenaient les couplets des différentes chansons, et finissaient par créer leur propre troupe. À la fin des années 1960, nous avons formé un groupe de chant avec une poignée d’amis. Et puis nous avons décidé que nous pourrions raviver le feu du conseil des hommes, les Rotihsken’rakéhte’. Nous sommes allés devant le conseil traditionnel de Kahnawà:ke pour leur demander s’ils voulaient bien approuver et sanctionner notre décision de recréer les Rotihsken’rakéhte’. Un roiá:ner nous a répondu : « Non. » Nous lui avons demandé « Pourquoi pas ? » Il a répondu : « Nous n’en avons pas l’autorité. La création vous a déjà donné son approbation. C’est dans la Kaianere’kó:wa. C’est votre responsabilité, c’est votre devoir de le faire. Vous n’avez pas besoin de notre accord. » Alors nous l’avons fait : nous avons ravivé le feu du conseil des hommes. Nous avons commencé à voyager dans les autres communautés pour les encourager à raviver leurs feux locaux et à reconstruire notre peuple. Notre élan prenait sans cesse de l’ampleur. Nous n’étions que sept à l’époque. Nous avons demandé à Karoniaktajeh, Louis Hall, l’artiste qui avait fait un emblème pour notre groupe de chant, de nous dessiner un nouveau symbole pour les Rotihsken’rakéhte’. Ce qu’il a fait était magnifique. C’est l’emblème qui a fini par se retrouver sur le drapeau de l’unité tel qu’on le voit aujourd’hui. Au départ, Louis Hall ne faisait pas partie de la maison longue. Il était initialement un fervent catholique qui se destinait à la prêtrise. Un jour, il est tombé sur des passages de la Bible qui l’ont poussé à remettre en question certaines choses. En poursuivant ses recherches, il a découvert toutes les contradictions dans les enseignements chrétiens. Comme chrétien, il avait l’habitude de se disputer avec les gens de la maison longue, mais il a commencé à s’intéresser de plus en plus à la Kaianere’kó:wa. Louis et les hommes de sa génération, comme Frank Natawe, Roy Montour et Stanley Myiow, étaient très intelligents et instruits. Ils parlaient tous couramment à la fois notre langue et l’anglais, et Frank parlait même français. Ils s’asseyaient autour d’une table et discutaient de la Kaianere’kó:wa en buvant de la bière. Puis ils ont commencé à fréquenter la maison longue. Ils écoutaient, observaient et regardaient, jusqu’à ce que la maison longue finisse par les réintégrer dans la Confédération. Leur arrivée a donné un formidable élan aux gens de la maison longue. Ces hommes savaient écrire, parler, enseigner, et ils apprenaient rapidement. Ils connaissaient l’histoire, et pas seulement la nôtre, mais aussi l’histoire chrétienne et l’histoire mondiale. J’étais assis dans la maison de Louis quand des cardinaux ou évêques venaient de Montréal pour essayer de débattre avec lui. Je l’ai vu débattre avec des presbytériens, des méthodistes, des luthériens. Personne ne pouvait rivaliser avec lui dans un débat, c’était incroyable ! Ils finissaient tous par abandonner avec la queue entre les jambes parce qu’ils n’arrivaient pas à le suivre. Il en savait plus qu’eux sur leur propre religion. En nous remettant notre blason, Karoniaktajeh nous a expliqué ses idées sur la guerre psychologique. Il nous a raconté l’histoire de la bataille des plaines d’Abraham près de la ville de Québec, où les Français ont été vaincus. Ce ne sont pas les Britanniques qui les ont vaincus, mais bien les Iroquois. En réalité, les Français se sont vaincus eux-mêmes. Tous ces jeunes soldats qui avaient grandi en France et à qui on avait toujours dit que les Iroquois étaient des suppôts de Satan et des croque-mitaines, tous ces enfants avaient grandi dans la peur des Iroquois. Et maintenant ils étaient de jeunes soldats envoyés ici, et ils n’avaient jamais vu d’Iroquois, sauf dans leurs pires cauchemars. Au cours de cette bataille, les Français étaient plus nombreux que les Britanniques et ils pouvaient les vaincre. Quand ça a commencé, le général français Montcalm s’est jeté sur le général britannique Wolfe et ses soldats. Il ne savait pas qu’il y avait des centaines de soldats iroquois parmi les Britanniques. Ils se sont avancés en marchant stupidement les uns vers les autres en tirant leur première volée de balles. Lorsque les lignes britanniques se sont ouvertes, des centaines de guerriers iroquois surgirent et se précipitèrent sur les soldats français en poussant des cris de guerre. Les soldats français étaient pétrifiés, ils faisaient dans leur froc et imploraient leur mère. « Maman ! Maman ! 2 » Le diable en personne était à leurs trousses. Ils avaient si peur qu’ils lâchèrent leurs fusils et renoncèrent à la bataille. Nos hommes les ont écrasés. En fait, ce sont les Français qui se sont défaits eux-mêmes en lavant le cerveau de leurs enfants pour qu’ils croient que nos ancêtres étaient d’horribles créatures, des diables. Karoniaktajeh nous racontait ces histoires pour bâtir notre détermination. « Vous vous appelez Rotihsken’rakéhte’, et c’est très bien », qu’il nous disait, « mais il pourrait être intéressant de vous appeler la Warrior Society. Vous savez que les Blancs se sont fourrés dans la cervelle que tous les Autochtones sont des machines à tuer. Utilisez les armes que vous avez dans votre arsenal, vos armes psychologiques. » Nous n’avions rien à redire, et nous avons écrit Rotihsken’rakéhte’ au-dessus de l’écusson et Warrior Society en dessous. Quand nous l’avons apporté chez l’imprimeur, il nous a dit : « Si je vous en imprime sept, ça vous coûtera à peu près aussi cher que pour en faire 250. Pour un petit extra, vous pourriez en obtenir 250. » Nous nous sommes dit : « Eh bien prenons l’extra alors, au cas où d’autres voudraient nous rejoindre ! » Nous en avons donc pris 250. Quand nous sommes rentrés à la maison cette nuit-là, nos mères les ont cousus sur nos vestes. Très vite, on se promenait avec nos emblèmes, et tous les jeunes au village les aimaient. « Je peux en avoir un ? » Alors on a distribué nos 250 écussons à tout le monde. Et tous ces jeunes gens se sont mis à se promener avec cet emblème « Rotihsken’rakéhte’ Warrior Society » sur leur veste. Du jour au lendemain, la police voyait des centaines d’Autochtones qui déclaraient haut et fort qu’ils appartenaient à une société des guerriers ! Psychologiquement, ça leur a foutu une belle trouille. Quand on allait dans d’autres territoires, on affichait toujours nos emblèmes sur nos vestes. On les mettait sur des vestes en jeans, des manteaux de cuir, certains avaient des vestes en cuir marron avec des franges, ils les cousaient sur leur veste de tous les jours. Nous avons commencé à porter cet emblème à la fin des années 1960, juste après le blocage du pont international d’Akwesasne en 1968. À cette époque, nous discutions déjà des actions à entreprendre, mais nous n’avions pas encore constitué notre conseil. Lorsque nous avons appris ce qui allait se passer à Akwesasne, nous n’avions pas de voiture, alors nous avons marché une centaine de kilomètres jusqu’à Akwesasne pour participer au blocage et défendre nos droits. C’était la période la plus froide de l’année, et il nous a fallu seize heures et demie au pas de course pour arriver à Akwesasne. C’est dire à quel point nous étions déterminés ! À Akwesasne le barrage était déjà en place. Nous sommes arrivés là-bas et Kahentinetha est arrivée avec son frère Frank. J’avais quinze ans. Si vous m’aviez vu à l’époque, je mesurais cinq pieds, et je devais peser moins de cent livres, mais la police m’a tout de même accusé de l’avoir attaquée ! Toutes les accusations contre moi ont finalement été abandonnées. Si vous regardez le documentaire You Are On Indian Land 3, vous allez voir un jeune qui pousse une voiture pour bloquer le pont ; c’était moi. Il y en avait de la résistance ! À la fin des années 1960, le mouvement hippie attirait l’attention du monde entier. Aux États-Unis, les jeunes de la classe moyenne voulaient vivre différemment. C’est ce qu’on voyait à Woodstock, San Francisco, tout ça. Les gens qui rentraient du Vietnam n’aimaient pas ce qui se passait là-bas. Au début, nous n’avions pas vraiment l’impression de faire partie de ce mouvement, mais avec l’arrivée du mouvement des droits civiques et lorsque les Noirs se sont mis de la partie, le train de la contre-culture est passé à toute vitesse dans les communautés autochtones. Alors nous avons sauté